Dans la région de Damaro, ce sont les femmes qui rejoignent le village de leurs maris. La cérémonie du mariage se fait dans les deux villages : la famille de la femme organise une cérémonie chez elle, puis les parents du futur marié se déplacent pour faire la négociation dans le village de la femme, la remise de la dot se fait chez la femme après une discussion entre les deux parties (ce lieu de la discussion s’appelle fouroussiridia en konianké).
Ensuite, la femme est accompagnée par au moins deux délégués de son village choisis par le doyen (au minimum un homme et une femme, qui ne doivent pas être ses parents biologiques) dans le village de son mari ce qui est l’occasion d’une cérémonie de remise.
Le lendemain matin, ces deux délégués demandent solennellement au village du mari de prendre soin de la femme qu’ils vont laisser chez lui. Rituellement, les délégués du village de la jeune mariée l’accusent de tous les maux (d’être une voleuse, une menteuse, un serpent…) pour que le mari ne puisse pas se retourner contre eux à l’avenir : s’il survient un problème dans le couple, le mari aura été prévenu le jour de son mariage !
Ensuite, un homme dans le village du mari est désigné comme tuteur de la jeune mariée (fouroussöma, en konianké) : c’est lui qui est chargé de veiller à ce que la femme soit bien traitée, et d’aider à la résolution des conflits dans le couple.
Les enfants issus de ce mariage peuvent aller chez leurs oncles maternels et ils y ont une liberté totale. Ce brassage des familles crée des relations de tolérance et d’alliance respective entre les villages.
Évolutions des anciens interdits entre famille : le cas du mariage d’Ansoumane Camara et Fatoumata Doumbouya
Pour Damaro, les femmes peuvent venir de Sanankoroni (comme c’est le cas de Fatoumata Doumbouya), Farala, Mandou, Kouroudou et des autres villages avoisinants. Kouyaté, Diabaté, Dioubaté, Kanté sont des noms de famille de griots (djeli) : auparavant, ceux-ci n’avaient pas de relations matrimoniales avec les Camara. Ils se mariaient entre eux. De la même façon, les djaka parmi les Doumbouya, et surtout ceux provenant de Sanankoroni, n’avaient pas de relations non plus avec les Camara, parce qu’ils faisaient les éloges des rois de Damaro. Mais cette tradition n’est plus entièrement observée.
Le mariage entre Fatoumata Doumbouya et Ansoumane Camara est représentatif de ce cas, il aurait été interdit il y a quelques années. Les discussions sur les modalités du mariage ont été houleuses, certains parents s’opposaient à cette union. Mais aujourd’hui, c’est la religion musulmane qui influence les pratiques matrimoniales : puisque tous ont le même sang, il n’y a pas de raison de s’opposer à des mariages au prétexte qu’ils n’ont pas le bon nom de famille. Le chef de la famille d’Ansoumane est l’imam, il est karamoko, et c’est lui qui a beaucoup aidé pour les discussions.
Interdits régulant le mariage
Il y a une barrière religieuse : les Camara ou les autres résidents musulmans de Damaro ne se marient pas avec les non-musulmans, sauf si l’homme ou la femme décide de se convertir, comme c’est le cas des habitants de la région forestière qui sont chrétiens. La seconde femme d’Ansouma par exemple, Gao Bangama Zoumanigui s’est convertie et a pris le nom de Mariam Zoumanigui.
Il n’y a pas de barrière entre les malinkés qui constituent la majorité du village et les autres, comme les Peuls de Bassano par exemple, qui peuvent se marier librement.
Il y a une spécificité pour les forgerons dont le nom est Kanté : ceux-ci n’ont toujours pas le droit de se marier avec des Camara.
Les filles de Damaro
Les filles de Damaro quittent plus rarement leur village pour les petits villages voisins. Elles préfèrent soit rester à Damaro soit aller se marier directement dans les grandes villes comme Kankan, Conakry, Nzérékoré… Il peut arriver aussi que des filles de Damaro se marient à l’intérieur du village, avec des Camara ou des Condé.
Par Ansoumane Camara, Fatoumata Doumbouya
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