« Changement environnemental et santé en Afrique de l’Ouest – résumé du mémoire de fin d’études » par Aline Desdevises, Novembre 2021

En tant que stagiaire du projet de recherche Watigueleya Kèlê, Aline Desdevises a pu étudier une dimension particulière de la résilience des communautés rurales ouest-africaines face aux changements environnementaux : la résilience face aux risques sanitaires et aux soins de santé. Dans quelle mesure les populations rurales sont-elles résilientes face aux effets néfastes des changements environnementaux sur leur santé ?

L’analyse repose principalement sur des méthodes qualitatives (observation et entretiens) dans les villages participant au projet de Watigueleya Kèlê, complétées par des sources quantitatives et des lectures théoriques au cadre plus large. Le mémoire se concentre d’abord sur la manière dont les changements environnementaux impactent la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau potable, et dans quelle mesure les stratégies adoptées par les populations ont un effet bénéfique, neutre ou négatif sur leur santé. Puis la réflexion s’oriente vers les effets de la dégradation de l’environnement sur l’apparition d’épidémies et l’accès aux soins des populations. En effet, l’existence de méthodes de médecine traditionnelle, essentiellement basées sur la phytothérapie, est menacée par la disparition des plantes médicinales en Afrique de l’Ouest. On envisage également dans quelle mesure la biomédecine représente une alternative efficace et durable pour les populations rurales. Enfin, la vulnérabilité accrue de certaines catégories sociales en matière de santé est explorée. Il s’agit par exemple de la vulnérabilité liée à l’âge, au sexe et à l’attribution du  » statut d’esclave  » (phénomène d’esclavage héréditaire en Afrique de l’Ouest).

©John Kalapo 2021

Plusieurs conclusions émergent de l’étude des données collectées. Premièrement, on constate que les conséquences des changements environnementaux sur la santé des populations sont déjà visibles dans les communautés d’Afrique de l’Ouest. Le réchauffement, les variations pluviométriques, la déforestation et la perte de biodiversité ont un impact considérable sur la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et l’exposition aux épidémies. Ces facteurs sont susceptibles d’augmenter en raison de divers changements environnementaux. Les populations des communautés rurales constatent ces variations, et toutes font état de la baisse de productivité des cultures depuis une vingtaine d’années.Les conséquences sur la santé sont surtout visibles à travers le maintien ou l’augmentation de l’occurrence des cas de malnutrition et de dénutrition.

L’accès aux soins est également compromis : la disparition des espèces médicinales menace l’existence de la médecine traditionnelle. La transmission même de ce savoir, privé d’une partie de sa finalité, est mise en péril. D’autre part, la biomédecine représente une alternative imparfaite et souvent inaccessible, en raison de son coût et de son éloignement géographique des populations rurales.

Face à cette exposition accrue aux risques sanitaires, les populations rurales adoptent diverses stratégies. Ils utilisent les connaissances agricoles traditionnelles et actuelles pour compenser les pertes de rendement et faire face à la malnutrition. Ils mettent en œuvre des solutions collectives (jardins partagés ou greniers), avec plus ou moins de succès. Certaines personnes tentent de modifier leur activité afin d’avoir accès à des sources extérieures d’intrants alimentaires ou médicaux. En réponse à la disparition des plantes médicinales, certains cultivent quelques espèces utiles ou introduisent des plantes non indigènes. Les actions des personnes ont effectivement un effet sur leur santé, et pas uniquement dans un sens positif. Certaines pratiques peuvent se combiner avec les changements environnementaux globaux pour dégrader l’environnement (déforestation, pollution). Certaines solutions mises en œuvre localement peuvent avoir des effets ambigus et indésirables. Cependant, face à l’ampleur des dégradations environnementales observées, les initiatives humaines au niveau local semblent trop faibles pour soutenir une véritable résilience.

 Par ailleurs, la vulnérabilité de certaines populations est encore accentuée par des circonstances intrinsèques (fragilité des enfants et des personnes âgées) ou sociales (marginalisation, exclusion). La discrimination de genre rend les femmes plus vulnérables à la montée des risques sanitaires. Elles sont, en raison de la dimension de soins attachée aux rôles de genre, plus exposées à la contagion et aux autres risques sanitaires. Leur charge de travail est également accrue par la nécessité de compenser les récoltes insuffisantes et d’aller chercher l’eau toujours plus loin. Si elles sont plus exposées aux risques sanitaires, leur position sociale les empêche souvent d’accéder à autant d’opportunités que les hommes. Un autre exemple étudié est le cas des personnes assignées au « statut d’esclave » (un phénomène étudié par le projet EMiFo), qui souffrent d’une situation de marginalisation sociale qui les rend plus vulnérables aux impacts négatifs du changement environnemental sur la santé.


Aline Desdevises

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