Résilience dans les communautés marginalisées d’Afrique de l’Ouest

Objectif : 

L’objectif de ce projet a été de mettre en avant les cultures locales et de faire en sorte que les villageois soient considérés comme de véritables producteurs de savoirs, maîtres des discours tenus sur leurs villages, « savoirs locaux » que l’on peut retrouver ici.

Concrètement, les villageois participant au projet ont reçu chacun un téléphone portable de haute qualité permettant de faire des photographies, des vidéos en haute définition afin de les transformer en enquêteurs auprès de leurs communautés respectives. La collecte de données a ainsi répondu à leurs propres agendas, en respectant les attentes des communautés impliquées. Cette pratique de l’usage du numérique et des nouveaux médias s’appuie sur un usage de plus en plus répandu des nouvelles technologies dans les communautés rurales. Il a fallu une formation initiale à l’usage du digital, puisque certains villageois n’avaient jamais eu de smartphone entre les mains. Cette formation a été particulièrement rapide et bien intégrée, du fait de l’usage répandu des médias sociaux tels que WhatsApp et Facebook dans leurs propres pratiques familiales et leurs discussions avec les différents membres des diasporas. Cette pratique numérique a permis une collecte rapide, endogène et correspondant à des pratiques préexistantes d’auto-collecte et de prises de souvenirs personnels.

Par leur participation au projet, les membres des communautés villageoises se sont rendus responsables de la collecte et présentation des savoirs de leurs villages. Liberté leur a été laissée de choisir les sujets principaux de leur investigation. Communiquant en permanence avec leurs voisins et les anciens, les participants au projet ont pu mettre en avant ce qui comptait réellement pour eux dans leur quotidien et qui favorisait la résilience selon eux. Le dialogue avec les chercheurs a permis de prolonger certaines pistes, tout en respectant les usages et récits spontanés.

De grandes pistes thématiques ont ainsi émergé :

Les cultures maraîchères qui constituent bien sûr une part importante de la vie rurale, ainsi que la mémoire des gestes collectifs

La relation au groupe dans l’organisation des travaux collectifs villageois

L’artisanat local : les gestes individuels, le bricolage, les recettes du quotidien (savon, poudre de fusil, crépissage et enduit, vin de palme, pain, croquettes de sésame, artisanat et forge…)

Le large pan de la culture orale dans tous les aspects de la vie sociale : les contes et les proverbes, les chansons de baptême et de mariage, la mémoire historique, les lieux de mémoire (la mare, le baobab qui constituent des cristallisent des récits et des mémoires en partage)

Déroulement des activités

Bamako (février 2018), Conakry (avril 2018), Toubab Dialaw (août 2018), Bamako (février 2019) et finalement Dakar (février 2020) : des ateliers de formation aux nouveaux médias et de mise en commun des données ont ponctué le déroulement des activités tout au long de du projet. Cette organisation a permis de créer un réseau international de villageois qui participent à tous les déplacements, contrairement à de nombreux autres projets où seuls les chercheurs occidentaux ont accès à la mobilité internationale. Nécessitant une logistique conséquente (création de cartes d’identité, de cartes de vaccinations et de passeports pour chacun des participants souvent éloignés des centres administratifs ; passage de frontières parfois complexes), cette organisation s’est voulue résolument engagée dans la promotion de la mobilité et de la mise en réseau des villages. Les villageois ont pu bénéficier de la formation de deux cinéastes africains, Bamba Diop (Sénégal) et Jacques Kolié (Guinée), ainsi que de l’expertise du photographe John Kalapo (Mali).

Les données ont été partagées lors de ces ateliers qui ont aidé à la rédaction de posts de blog dans les langues parlées dans les villages : français, konianké, mandinka, bambara, soninké, wolof, baïnounck gujahër, créole casamançais, joola foñi. Ces posts multilingues, accompagnant des photos ou des vidéos prises par les villageois eux-mêmes, ont été partagés ensuite sur Facebook et YouTube.

Impacts

Prise de conscience par les villageois de la richesse de leur patrimoine. Les villageois se sont très aisément transformés en enquêteurs sur leurs propres communautés, parce que la connaissance de leur patrimoine, tant de gestes que de récits, répondait à une demande forte. Par exemple, des associations de femmes ont été créées dans certains villages suite au projet pour aider à la mobilisation politique. Des récits historiques ont émergé par la pratique de l’enregistrement et de l’auto-documentation des communautés. Des cultures maraîchères ont été réhabilitées. Des travaux collectifs de mise en valeur du village (création d’un petit musée, travaux d’assainissement) ont été initiés. La diffusion d’images de soi, notamment pour certaines femmes, ont pu aider à la prise de confiance en soi et dans l’insertion politique locale. apprenants.

Création de matériel pédagogique. En Guinée, les instituteurs n’avaient pas les compétences ni le matériel pour enseigner l’histoire locale et celle-ci n’était tout simplement pas enseignée. Le matériel pédagogique sur l’histoire locale et sur la littérature orale locale a été créé par les villageois, en concertation avec les chercheurs et avec les dépositaires de la mémoire orale des villages. Ces documents ont pu être distribués dans les écoles et ont été grandement appréciés par les enseignants et par les membres des rectorats.

La découverte de pouvoir écrire dans les langues de leur village. La plupart des membres villageois du projet n’ont pas appris à écrire dans leur langue maternelle, et même pour les langues où l’orthographe a été standardisée, ils ne maitrisent pas cette écriture en général. Beaucoup des langues minoritaires, confinées localement n’ont pas été standardisées. En encourageant des formes d’écriture non formalisées qui ne sont généralement ni reconnue ni encouragées, le projet a encouragé les participants villageois à valoriser et pratiquer les formes locales d’alphabétisation. Pour les villages de Casamance où il y a déjà un programme communautaire d’alphabétisation dans les langues locales, les postes de blog ont immédiatement créé du matériau de lecture pour les apprenants.

Les partenaires du projet

« Donkosira : le chemin de la connaissance »